Lauréat du Goncourt, Laurent Gaudé n’hésite pas à se frotter à des genres variés, sans délaisser ni snober les littératures de genre. La fantasy, la science-fiction et le polar font partie de son arsenal créatif et il n’hésite pas à s’en emparer au service des histoires qu’il souhaite raconter. “Chien 51” est un polar politico-criminel dans un contexte d’anticipation tendance dystopique. Le dernier roman de Laurent Gaudé a donc toute sa place dans ces colonnes.

Sparak, salarié de l’entreprise privée GoldTex depuis le rachat de la Grèce par la société, est “chien” de son état. Une sorte de policier de bas étage, opèrent dans la zone 3, la plus malfamée de la ville de Magnapole, là où s’entassent les ouvriers et les petites mains d’un système capitaliste qui exacerbe la sanctuarisation des élites. Sparak est mandaté pour enquêter sur un meurtre en binôme avec Sofia, jeune inspectrice de la zone 2, celle des privilégiés.

“Chien 51” me sort de ma zone de confort. Je n’aime pas spécialement les enquêtes policières mais celle-ci mêle complots politiques, trafics et jeux d’influence. Un cocktail pas forcément original mais qui tient la route. La dernière ligne droite du récit est menée tambours battants, avec de l’action et de la violence. L’ambiance poisseuse ne quitte jamais vraiment le lecteur.

Forcément, quand le cadre de l’intrigue voit la privatisation du monde par des sociétés privées qui creusent les inégalités et écrasent les masses de salariés tout en leur agitant quelques bribes d’espoir sous le nez, ce n’est pas très réjouissant. Et c’est sur le cadre dystopique du roman que j’ai quelques regrets. En effet, le contexte social reste à l’arrière-plan, sans qu’il soit creusé à sa juste mesure, et cette toile de fond paraît un brin superficielle par rapport aux grandes dystopies du XXe siècle.

Finalement, “Chien 51” est bien plus un polar dans un contexte dystopique qu’une dystopie s’appuyant sur une intrigue policière pour avancer. La narration solide et les qualités d’écriture certaines font toutefois du dernier roman de Laurent Gaudé une valeur sûre.

Édité en poche chez Actes Sud, dans la collection Babel.


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