Avant Tolkien, la fantasy était embryonnaire, mais bien vivante déjà. Des auteurs aujourd’hui oubliés ont donné au genre ses premières belles histoires. Les éditions Callidor s’en sont fait le porte étendard. Parmi les textes du XIXe siècle pouvant se rattacher à la fantasy, “Salammbô” de Gustave Flaubert est un incontournable.

Les mercenaires engagés par Carthage sont remerciés. Ils seront bientôt payés, leurs dit-on, et ils pourront rentrer chez eux riches. Mais le paiement traîne et le désœuvrement guette. Parmi les guerriers, il y a Mathô, épris de Salammbô, fille du Suffète de Carthage, et son esclave Spendius, bien plus fourbe et malin qu’il n’y paraît.

Cette armée dépareillée aux pieds de la majestueuse cité de Carthage rappelle la Guerre de Troie d’Homère. De l’épopée, “Salammbô” déploie tous les codes. Dans un pêle-mêle grandiloquent de divinités, peuplades et contrées, les hommes luttent pour l’argent et la gloire. Comme plus tard Robert E. Howard, Flaubert oppose la barbarie à la civilisation, et la grandeur d’âme n’accompagne pas toujours la sophistication. La brutalité caractérise les deux partis.

Le récit gagné en intemporalité grâce à la plume riche de l’auteur classique et virtuose qu’est Gustave Flaubert. Il y a dans les lourdes descriptions, dans la richesse des adjectifs et dans les longues phrases ponctuées de virgules un parfum épique et grandiose qui place “Salammbô” aux côtés des grands mythes fondateurs de l’Antiquité. Maintenant que j’ai lu le texte de Flaubert, je vois son importance chez des auteurs plus contemporains (Laurent Gaudé et “La mort du roi Tsongor”).

“Salammbô” n’est pas une lecture évidente. Son écriture, son rythme et son détachement vis-à-vis de ses personnages seront autant de différences avec les sagas de fantasy modernes. Reste que ce texte détonne entre “Mme Bovary” et “L’éducation sentimentale” au sein de la biographie d’une des plus grands romanciers français du XIXe siècle. “Salammbô” est la preuve que la fantasy peut être de la grande littérature, et que les cloisonnements entre les genres n’ont pas lieu d’être.

Édité dans la collection “Collector” des éditions Calidor.


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