Voir un roman de Carol Emshwiller traduit en français est une chance tant l’autrice, pourtant considérée comme une grande dame de l’imaginaire américain, s’est faite rare chez nous. “La monture” est un recit bien singulier, au propos et à la narration audacieux, toujours à la lisière des genres, de la SF au récit initiatique, prenant parfois même des allures de fable.

Les Hoots sont arrivés sur Terre. Avec leur sens très développés et leurs armes dangereuses, ils ont asservi une humanité dont ils se servent de monture, leurs jambes étant faibles. Charley est un ado pur race, au destin de destrier d’apparat tout tracé. Mais la révolte des siens finira par bouleverser son futur.

Les humains sont réduits à du bétail, choyés mais esclaves. Dressé depuis l’enfance pour plaire à ses maîtres et recevoir des récompenses, Charley ne comprend pas les humains sauvages luttant dans la nature pour leur liberté. Son confort, les responsabilités dont il n’a pas à se soucier… Voilà qui suffit à son bonheur. Ou pas.

Le roman est une analyse de l’esclavage, des sacrifices à faire pour être libre, et des techniques d’asservissement employées pour dissuader toute rébellion sans violence. En dressant dès la naissance les hommes, en les hiérarchisant selon leur sang pour éviter toute union qui pourrait leur nuire, les Hoots parviennent à se maintenir au sommet d’une pyramide d’esclaves pourtant plus nombreux et mieux dotés pour la vie sur Terre.

Récit d’apprentissage, “La monture” témoigne de la lente compréhension mutuelle de deux espèces bloquées dans une relation asymétrique. En posant des faits sans en faire l’analyse, l’autrice laisse le lecteur répondre lui même à la grande question du texte : que vaut la liberté et pourquoi se battre pour l’égalité et la fin de l’exploitation organisée des uns par les autres ? Des thèmes toujours d’actualité aujourd’hui.

Edité en grand format aux éditions Argyll, en poche chez J’ai Lu Imaginaire.


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