Une lecture aussi dense que “La nuit du Faune” exige une critique dans les règles. Il faut dire que le second projet de Romain Lacuzeau est une plongée philosophique et scientifique vertigineuse…
Polemas est un faune, un être primitif qui vient demander conseil pour l’avenir, au nom de son peuple, à la divinité au sommet de la montagne. Astrée est une fillette, la dernière représentante de son espèce. Blasée du monde, elle emmène le faune à travers le cosmos en quête de réponses.
En choisissant le conte philosophique, l’auteur s’affranchit des péripéties romanesques pour narrer un voyage, ou plutôt une grande boucle, car tout ici est l’affaire de cycle : cycle de la vie, cycle du progrès, cycle de la matière, cycle du temps… On part de notre bonne vieille Terre et on va questionner le déclin inéluctable des civilisations, le transhumanisme et l’intelligence artificielle en remplacement des êtres biologiques. Tout ce volet sociétal et philosophique est accessible et passionnant, et ne doit donc pas effrayer.
Il y a ensuite la dernière partie, à la fois vertigineuse et beaucoup plus abstraite : Lacuzeau fait intervenir des entités au coeur de la Voie Lactée, faits de matière noire ou d’amas de civilisations. Bref, du “sense of wonder” à l’anglo-saxonne, stupéfiant, mais aussi beaucoup plus technique malgré les efforts de vulgarisation. En toute honnêteté, je n’ai pas tout saisi des concepts de cosmologie et de physique quantique, mais on peut passer outre pour suivre le récit et se laisser happer par les échelles dont on parle.
“La nuit du Faune” est une lecture exigeante, mais qui récompense son lecteur en le transportant d’un bout à l’autre de la galaxie. Un voyage extraordinaire à hauteur d’homme, ou de faune, porté par une plume ciselée et riche. Beaucoup d’ambition, et un franc succès.
Édité chez Albin Michel Imaginaire.
